Que signifie l’expression « Être un chat noir »

13/08/2021 4 min
chat noir

par Julien Soulié 

Ce matin, votre pied gauche a touché le sol en premier… lequel pied a accroché son gros orteil à la vis affleurant sournoisement sur la barre de seuil de votre salle de bains. Et ça, c’était juste avant que vous ne vous ébouillantiez avec votre café – qui, soit dit en passant, était un vrai jus de chaussette. Cette même chaussette (trouée, évidemment) dont vous ne parvenez pas à retrouver la jumelle, après avoir pourtant remué commode et dressing – dans lesquels une chatte ne retrouverait pas ses petits…

D’ailleurs, en parlant de félin, ne seriez-vous pas un peu un chat noir, ces derniers temps ? Cela tombe bien : ce 17 août, c’est la journée internationale du chat noir. Mais pourquoi un chat noir ? En fait, la symbolique du chat remonte à la plus haute Antiquité.


Séance de ronronthérapie collective

On connaît bien le vendredi 13 (Jésus-Christ fut crucifié un vendredi, après avoir tenu son dernier repas, la Cène, avec ses douze apôtres), l’échelle sous laquelle il ne faut pas passer (après tout, est-on sûr que l’on ne va pas se prendre un pot de peinture sur le coin de la carafe ?) ou encore les couteaux croisés sur la table (#NadineDeRotschildReviens!)… Mais le chat noir ?

Je suppose que vous êtes comme moi : sur les réseaux sociaux, vous ne pouvez vous empêcher de liker les photos ou vidéos présentant un chaton trognon en train de vous regarder avec ses grands yeux tellement craquants ou d’accomplir quelques acrobaties si irrésistibles que vous n’avez qu’une envie : le serrer très fort dans vos bras en une séance de ronronthérapie salvatrice…


Vous donnez votre langue au chat ?

Dans de nombreuses civilisations, ce « petit mammifère à poil doux, aux yeux oblongs et triangulaires » (comme le définit si joliment Le Robert) relève de croyances tantôt valorisantes, tantôt (plus souvent) défavorables. Chez les Égyptiens, par exemple, notre félin était l’objet d’un culte et Bastet, déesse du foyer, de la maternité et protectrice des femmes enceintes (rien que ça), était représentée avec une tête de chat. Dans d’autres cultures, il est un symbole de liberté, par référence à l’indépendance dont il fait montre dans son comportement. Songeons aussi que, surtout depuis le XIXe siècle, le mistigri est un motif récurrent et ambivalent dans le domaine artistique : Le Chat botté de Perrault, « Le Chat noir » d’Edgar Allan Poe, « Le Chat » de Baudelaire ou celui du cabaret « Le Chat noir », voire le chat du Cheshire d’Alice au pays des merveilles et celui de Tom et Jerry !


Appelons un chat un chat

Toutefois, par l’une de ces ambiguïtés dont les superstitions ont le secret, le chat est aussi perçu comme un animal funeste, tout particulièrement s’il est noir – couleur par excellence du malheur, de la mort et du deuil dans nos sociétés. Au Moyen Âge, il devint l’auxiliaire des sorcières, qui, en mourant, voyaient leur âme migrer dans le corps d’un chat… Associé ainsi au diable, en compagnie d’autres animaux un peu moins mignons à nos yeux (le crapaud ou le serpent), le chat pouvait être brûlé sur un bûcher afin que le mauvais sort fût conjuré. Il aura pendant longtemps une réputation détestable – animal considéré comme cruel, hypocrite, sournois, tout juste bon à chasser les rongeurs.

On comprend dès lors que croiser un chat noir – cocktail détonant constitué d’une bonne dose de diable et d’un zeste de mort – ne risque guère de vous porter chance (c’est un doux euphémisme). En ce qui me concerne, le chat (noir ou pas) est, malgré moi, ma « bête noire » – non en raison de son très fort potentiel superstitieux, mais parce que j’y suis allergique (au sens médical). Mais, bon, il n’y a pas là de quoi fouetter un chat, me direz-vous…

L’info en plus

Le « raminagrobis » (comme disait La Fontaine) apparaît dans bien des locutions, outre celles mentionnées ci-dessus : de la bouillie pour les chats ; il n’y a pas un chat ; avoir un chat dans la gorge ; acheter chat en poche (les Belges et les Luxembourgeois disent acheter un chat dans un sac) ; les chiens ne font pas des chats ; vivre comme chien et chat ; à bon chat bon rat ; jouer au chat et à la souris ; la nuit, tous les chats sont gris ; et même dans deux jolies locutions obsolètes : jeter le chat aux jambes de quelqu’un (« rejeter la responsabilité sur lui ») et passer comme chat sur la braise (« aller très vite » et « passer rapidement sur un fait douteux »).



Article rédigé par l’auteur Julien Soulié. Découvrez son portrait ici.